Les schéma de la peur: phobie, angoisse et abjection dans "Voyage au bout de la nuit" de Céline

Authors

  • Jacques Fontanille Universite de Limoges

DOI:

https://doi.org/10.26754/ojs_tropelias/tropelias.199345532

Keywords:

Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit

Abstract

Voyage au bout de la nuit ne semble pas obéir aux formes narratives classiques, et ce sentiment, partagé par la critique littéraire, a valu bien des reproches à l'auteur. On ne devrait pourtant pas s'en étonner puisque, alors que la tradition sémiotique et narratologique s'est surtout intéressée aux formes de la quête, qui caractérise notre culture narrative dominante, le récit célinien est, au contraire, organisé autour de la phobie et de la fuite.
Cette particularité a d'innombrables conséquences, dont nous retiendrons seulement les plus saillantes. Pour commencer, le récit phobique se déploie sur le fond de l'effondrement des formes canoniques, que ce soient eelles des univers figuratifs matériels, celles des univers axiologiques, et, plus généralement, celle de la sémiosis elle-même, remise en cause par l'absurde.
D'un autre coté, la phobie rend particulièrement difficile le partage intenionnel, et l'intersubjectivité. Que ce soient les communautés instituées, minées par la haine et la violence, ou les communautés fragiles instaurées par la peur, aucune ne parvient, à l'exception du couple constitué par Bardamu et Robinson, sur le fond d'une peur et d'un projet de fuite partagés, à garantir le sens de l'histoire et à en permettre la narration. La solitude du sujet de l'énoncé comme celle du sujet de l'énonciation, est le prix à payer, y compris à hauteur de l'intentionnalité narrative, pour la survie.
Enfin, la structure narrative de la phobie se réduit (i) à la répétition du syntagme de la dégradation (l'envers, en quelque sorte, de l'épreuve), (ii) à une tension entre l'irrémédiable et l'ineluctable, qui affecte le sujet narratif tout au long du roman et lui interdit d'aspectualiser les procès (notamment, de déteminer des débuts et des fïns), et (iii) à un schéma pathémique de la peur qui, de l'inquiétude à la lâcheté, organise l'ensemble de ses parcours.

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Published

1993-12-31

How to Cite

Fontanille, J. (1993). Les schéma de la peur: phobie, angoisse et abjection dans "Voyage au bout de la nuit" de Céline. Tropelías: Review of Literary Theory and Comparative Literature, (4), 85–100. https://doi.org/10.26754/ojs_tropelias/tropelias.199345532

Issue

Section

Papers